Artistes du quartier (3) : Deux oiseaux rares

Photos : courtoisie des artistes et Christian Baron
Depuis quelques semaines, Monsaintsauveur vous invite à découvrir des artistes en arts visuels qui travaillent dans le quartier Saint-Sauveur. Aujourd’hui, rencontre avec le collectif Pierre & Marie.Elle, c’est Marie-Pier Lebeau. Lui, c’est Pierre Brassard. Ensemble, ils forment depuis 10 ans le collectif artistique Pierre & Marie. Inséparables depuis l’école, ils ont décidé de tout partager dès la fin de leur formation professionnelle en ébénisterie. « J’étais enceinte, et nous nous sommes dit “C’est maintenant ou jamais”. Nous avions d’ailleurs déjà notre atelier, à l’époque », lance Marie-Pier, la plus loquace de ce duo pourtant effacé. D’abord désireux de créer du mobilier sculptural, ils ont peu à peu délaissé le design pour se tourner exclusivement vers l’art. « On ne pouvait pas s’exprimer comme on le pouvait, et nous n’aimions pas créer des objets fonctionnels », affirme sans ambages la jeune femme.S’ils ont d’abord eu leur atelier à Limoilou, tous deux travaillent maintenant en plein cœur du quartier Saint-Sauveur, au 284A rue Durocher, dans ce qui était l’ancien local du collectif Cooke-Sasseville. Résidents de Saint-Sauveur, ils y sont profondément enracinés.

C’est inexplicable, cet attrait pour le quartier, commente Marie-Pier. Il y a ici un côté chaotique, une beauté atypique. Tout reste à faire. Et puis, il y a des initiatives intéressantes, comme le restaurant Le Pied bleu, beaucoup d’ateliers d’artistes et des gens passionnés. »

L’enfance de l’art

2_terrierEux qui se disent un peu extra-terrestres ont élaboré leur travail artistique en même temps qu’ils ont eu leurs enfants. Et c’est dans cette vie de famille qu’ils puisent leur inspiration. Par exemple, l’une des œuvres créées pour l’exposition «Grenade, ballon et artifices» tire son origine de la fascination de leur fils aîné pour des grenades jouets qui font un bruit d’explosion, aperçus lors d’un voyage aux États-Unis. « Il s’agit d’un objet fort, hyperviolent, tellement trash. Nous l’avons acheté en cachette et nous l’avons intégré dans nos œuvres, raconte Marie-Pier. Nous sommes beaucoup dans le jeu. Jouer, c’est faire semblant, c’est créer du merveilleux. Cette grenade est à la fois un objet tragique et merveilleux. »3_dissiperlamagie (2)Le travail du couple se caractérise notamment par des œuvres aux contrastes saisissants, par exemple Le terrier, qui évoque un amoncellement de déchets ou de minerais, dans lequel se cache un objet brillant qui attire irrésistiblement l’oeil. « Nous essayons de faire des choses attirantes, de créer des objets qui font réfléchir et qui génèrent une émotion », confie Marie-Pier. Dans cette même veine, Dissiper la magie, une de leurs œuvres les plus récentes, est une série de photos montrant les métamorphoses d’une guimauve qui se consume. Ils ont eu l’idée de travailler avec cet aliment onctueux, quasi parfait, qui s’enlaidit progressivement au contact de la chaleur.Un autre pan de leur création interroge un tabou de leur domaine : le marché de l’art. Encore une fois, ils ont fait appel au monde de l’enfance puisque leur œuvre la plus parlante à ce sujet consiste en une machine distributrice… de reproductions d’œuvres en jujube! Pour 2 $, on peut y acquérir rien de moins que la version croquable et sucrée de Jouet d’adulte de BGL, du Petit gâteau d’or de Cooke-Sasseville, de Perdre du poids, de Patrick Bérubé, ou encore de Unwrapping Rodin, d’Adad Hannah. « Les gens sont un peu perplexes une fois qu’ils ont l’objet en main. Doivent-ils le consommer ou le conserver? », remarque Pierre, amusé par le phénomène.

Créer dans la précarité

1_reproduction_bonbons (2)S’il expose régulièrement, le duo ne peut pas encore vivre uniquement de son art comme il le désirerait. Les premières semaines de janvier, tous deux ont travaillé sur un projet du collectif BGL, formé de Jasmin Bilodeau (B), Sébastien Giguère (G) et Nicolas Laverdière (L), qui partira représenter le Canada à la Biennale de Venise, cet été. « Je fais aussi du design d’exposition, de la scénographie, confie Marie-Pier, entre autres pour Les incomplètes, une compagnie de création théâtrale pour la petite enfance. » Quant à Pierre, particulièrement habile de ses mains, il travaillait sur une série de cadres pour d’autres artistes au moment de l’entrevue.

C’est quand même fou, quand y pense, de se lever chaque matin, d’entrer dans son atelier et de travailler sur des projets souvent autofinancés sans savoir si ça aboutira, si ce sera exposé ou acquis. C’est un pari qu’on prend au quotidien en travaillant de manière assidue et avec acharnement, affirme Marie-Pier. Même si c’est un non-sens de passer plusieurs mois sans revenu avec deux jeunes enfants, ça n’a pas de prix d’avoir la possibilité de créer des objets qui ont du sens, qui parlent aux gens et qui font réagir. Et c’est ça qui nous anime. »

Pierre & Marie expose présentement à la galerie Langage Plus à Alma jusqu’au 29 mars 2015. Leur prochaine exposition se déroulera du 28 avril au 6 juin 2015 à la Maison de la culture Frontenac, à Montréal.Pour en savoir plus sur leur travail : collectifpierreetmarie.blogspot.ca

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